Hier, aujourd'hui, demain...

Elle est grande pour ses treize ans, fluette; maigre, même. Ses grands yeux cernés de noir montrent à quel point chaque respiration est un challenge.
Ses longs cheveux blonds attachés en chignon lui donnent presque l'air d'une femme.

Elle est une ado belle, maligne, marrante, intelligente.
Elle aime et le montre sans peur; elle se fâche de la même façon.
Quand elle s'inquiète, elle le tait; mais ses yeux montrent ce qu'elle se refuse à admettre.

Quand elle parle, on reconnait l'adolescente, quand elle a mal ou qu'elle a peur d'avoir mal; on voit l'enfant revenir.

Elle est volubile, gaie, sautillant de partout, pleine d'une énergie propre à son âge; mais son corps ne le supporte pas assez.
Presque tous les jours, elle m'accueille d'un bisou, d'un câlin, me montre ses habits, ses dessins, rit de tout et de rien.
A la deuxième perf, je vois sa poitrine lutter pour inspirer, ses yeux se cerner.
La parole devient plus rare; je la vois se forcer pour rester ce qu'elle veut être sans cèder à la fatigue.
Par défi, par orgueil, par fierté.
Par courage.

Sa maladie est mortelle. Elle le sait, elle en fait fi.
Elle se bat comme se battent ces enfants qui ont toujours été malades. Avec une force et un courage qui nous laissent abasourdis d'admiration.

Bien sûr, elle a encore du temps. Une bonne dizaine d'années.
A peine femme, elle devra affronter son destin.

Etre greffée ou mourir.

Parce que la mucoviscidose, c'est une saloperie de maladie qui refuse de donner un avenir à ces enfants.
La médecine doit se battre des années pour les maintenir vivants et doit trouver des poumons pour qu'ils aient un futur d'adulte.

Et je sais à quel point les organes sont rares, et ça me fait peur pour elle.


Marie, elle me touche là où j'ai toujours refusée d'être touchée. Dans mon coeur de femme, d'humain, de future mère.
Dans cet endroit normalement réservé à mes proches; elle a fait sa place. En deux semaines, elle m'a eu.
Quand elle va moins bien, je deviens incapable de passer une soirée sans penser à elle, à m'inquièter de ce futur plus qu'incertain.


Et justement parce que ce petit bout de bonne femme me touche plus que de raison, parce que je l'aime déjà, parce que c'est franchement injuste, je voulais faire ce billet.

Pour elle, pour tous ces enfants qui souffrent.
Pour les adultes qui pensent que leurs organes leur seront utiles dans la mort.

Donnez vos organes. quand vous serez six pieds sous terre, à quoi serviront ils?
Alors qu'ils pourraient sauver Marie, d'autres enfants qui n'ont jamais rien connu d'autre que la maladie.

J'ai décidé depuis longtemps, mais plus encore aujourd'hui. A ma mort, qu'ils prennent tout.
Que ma mort soit utile à quelqu'un; qu'il n'y ait pas que du chagrin lié à l'évènement.

Que les larmes consécutives à mon décès ne soient pas que de peine, mais aussi d'espoir et de bonheur.
Sam 17 oct 2009 2 commentaires
"elle me touche là où j'ai toujours refusée d'être touchée. Dans mon coeur de femme, d'humain, de future mère.
Dans cet endroit normalement réservé à mes proches; elle a fait sa place. En deux semaines, elle m'a eu.
Quand elle va moins bien, je deviens incapable de passer une soirée sans penser à elle, à m'inquièter de ce futur plus qu'incertain."

Je m'étais dit, pour mes élèves, que je resterais détachée et distante... et finalement, j'ai failli pleurer en écoutant le désespoir de l'un d'entre eux... tu parles d'une pro qui sait gérer ses émotions et faire la part des choses personnel/professionnel!

Mais face à l'humain, ce n'est pas possible de rester froid... on ne raccroche pas son empathie à l'entrée quand on bosse.

On ne peut que faire de son mieux, en sachant que ça ne suffira pas, avaler la boule qu'on se fait dans la gorge, et ne pas montrer moins de courage qu'eux...

Merci pour ce billet qui me parle.

Bises et bon courage, Ether.
Cruchotte - le 17/10/2009 à 23h52
En fait, laisser l'empathie au placard, l'humain à la maison, j'ai su faire.
Compatir, je savais faire...en apparence.
Les maux de mes patients coulaient sur moi comme sur une nappe cirée. Rien n'accrochait.
Maintenant, je me surprends à les aimer, à m'attacher à eux. C'est pas bien, pas pro.
Et voilà Marie... Elle a fait mouche, m'a rappelé que quoi que je fasse, je reste un être humain empathique, sensible.
Ca fait mal, mais aussi, ça fait un bien fou!

Je comprends aussi que tu sois touchée par tes élèves, mais en trouver un qui réveille ce qui est beau en nous, c'est bon, non?

C'est grâce à cet élève, grâce à marie qu'on sait pourquoi on se lève le matin, pourquoi on sourit quand on va bosser. Que le bien que l'on fait soit minime ou pas; il existe et a sa place. On n'est pas inutiles et c'est primordial pour tout être humain.

Courage à toi aussi ma belle.

Bises
ether-et...
Carte de donneuse dans mon portefeuille.

Mon homme est contre mais comme je lui ai dit c'est MON choix, ma mére est prévenu.

Si un jour un de mes enfants avait besoin d'une greffe, je serais heureuse que d'autres en ai fait don.

Bisous à vous deux !!! Etre émue, c'est être humain, cela montre que nous ne sommes pas encore des robots.
MissK - le 19/10/2009 à 15h46